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Finalement, mon licenciement a été une bonne chose

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Je peux vous dire qu’écrire un titre pareil me laisse une drôle d’impression. Il y a encore un an, j’aurais préféré mettre mes doigts dans un broyeur d’évier plutôt que de taper ces mots.

Pourtant je ne suis pas rancunier, ni bagarreur, bien que je pratique régulièrement le jujitsu dans sa forme fighting. Je suis quelqu’un d‘affable. Je n’aime pas le conflit. Un peu orgueilleux, je l’admets.

Mais il m’avait fait trop mal.

A l’été 2013, me virer n’avait pas été suffisant pour mon patron. Il avait fallu qu’il rajoute le chantage et la menace (« acceptez la rupture conventionnelle, ou je détruis votre réputation auprès de chaque entreprise qui se renseignera à votre sujet »). Il avait fallu qu’il invente des prétextes pour justifier son acte auprès des prud’hommes (les juges n’ont pas été dupes, il a pris cher).

Il était prêt à me calomnier, juste pour éviter de me payer des indemnités correctes. Pourtant, je n’avais demandé que 6 mois de salaire. Faut quand même pas déconner, quand on se fait virer à cause d’un gamin handicapé et que malgré l’épuisement, le job est fait, on ne part pas sans rien.

Je n’ai pas lâché. On est allé au clash. Il m’a licencié de façon abusive et j’ai gagné le procès, net et sans bavure. Je n’ai jamais compris son refus idiot de négocier. Cela lui a couté bien plus cher que ce que je demandais au départ.

Mais en vérité… si je n’avais pas eu la carte blogging, ce rêve fou de monétiser mon petit blog de niche sur le tir sportif, j’aurais été obligé de reconnaitre que j’étais un incompétent, de me coucher, juste pour que je puisse retravailler ailleurs. Pour payer mon loyer, et élever mes gosses.  J’en ai littéralement vomi de peur.

Je pensais que le tribunal me laverait. A tort. J’ai découvert cela : la justice ne répare pas les injustices. Les juges ne disent jamais ses quatre vérités à celui qui a violé la loi. Non, on n’est pas chez Ally McBeal. Mon avocat expose mes arguments. Le sien en fait autant. Les magistrats ne disent rien. Des mois passent… Et vous recevez finalement un courrier rempli de charabia juridique vous indiquant la décision. Quelques semaines après, on vous fait un virement et vous n’en entendez plus jamais parler. Et vous avez toujours la haine.

Bien que mon entreprise blogging ait été rentable immédiatement, dès que je pensais à lui, dès que par hasard je devais repasser devant les anciens locaux… une boule me tordait le bide.

Parce que je n’étais pas le seul à qui il avait fait du mal.

Parce que ma femme, à l’époque, luttait comme une acharnée pour que mon fils soit pris en charge correctement. Et elle a dû en plus me soutenir, me faire confiance, masquer son inquiétude face à la dinguerie de mon projet blogging… Comme si ce n’était pas assez dur comme ça.

Parce que ma fille, 5 ans à l’époque, petite éponge, ressentait bien nos angoisses.

Parce que j’aurais pu avoir du mal à payer les soins non remboursés de mon fils, compromettant ses progrès.

Parce que j’avais fréquenté ce type de près pendant plusieurs années, et que j’avais pu me rendre compte de sa nature malsaine.

Eh quoi, moi je risquais de tout perdre, et lui, il s’en sortait ? C’était peut-être puéril, mais je n’ai pas réussi à passer à autre chose, pendant longtemps.

Malgré ma réussite.

L’infoprenariat a été comme l’eau dans un canyon. On voit des rocs qui semblent inaltérables, perpétuels. Mais l’eau rogne, année après année. Elle adoucit les tranchants rocheux, polit les pierres, les transforme en galets.

C’est-ce qui s’est passé.

La première chose qui m’a frappé, quand je suis devenu entrepreneur, c’est la gestion du temps.

Fini, de prendre un TGV à 5 heures du matin pour se coltiner un déplacement inutile, mais que le boss ordonnait.

Fini, la semaine du lundi au vendredi, et voyons voir comment caler un RTT pour faire le pont, et cette année, on part en aout ou en juillet ?

Fini d’avaler un déjeuner en 30 minutes parce que la réunion va commencer.

C’est une sensation très étrange, que je n’ai découverte qu’à 35 ans. Pensez-y. Quand vous êtes gamin, vous suivez les horaires de l’école, du collège, du lycée. Puis de la fac. Ensuite, le rythme du travail.

Avoir la maitrise du temps, très peu de gens ont ce luxe, et quel pied.

C’était la possibilité de me dire « je suis à la cool aujourd’hui », ou « je m’arrache pendant trois jours pour finir ce projet ». C’est me dire, OK, cet été, je me prends 3 mois de coupure, je ne fais que de l’emailing. C’est décider « chérie, on va se manger une sole et marcher au bord de la plage » (oui, j’habite près de la Méditerranée désormais).

Ce qui est venu ensuite, c’est le sens.

Je ne vais pas cracher dans la soupe, durant ma dizaine d’années de salariat, tout n’a pas été noir. Dans pas mal de boites, j’ai eu de belles rencontres, et souvent des projets intéressants. Mais tout de même… Le parfait petit cadre que j’étais passait la moitié de son temps à faire des choses absurdes. Des réunions, des entretiens, des emails, des rapports, des graphiques, des procédures dont tout le monde se foutait. A obéir à des directives pas toujours pertinentes.

Et je dois le confesser : je suis devenu un drogué.

Un drogué à l’autonomie. Entreprendre, c’est choisir ses sujets. Ce que l’on écrit, ce que l’on tourne, ce que l’on fait. Si on arrive a être productif, c’est déjà parce qu’on supprime tous les trucs qui ne servent à rien, et que les salariés doivent se coltiner. Je ne sais pas si j’arriverais encore à recevoir des ordres au travail. Pas grave, je n’ai aucune intention de me faire embaucher. Ce sera moi le patron, ou rien.

Le temps a continué de couler… et je me suis ensuite rendu compte de tout ce que j’avais appris.

Un entrepreneur est un peu seul, et doit se démerder comme un grand. Marketing, technologie, pédagogie, copywriting, fiscalité, investissement, vente, vidéo, négociation, softwares et j’en passe. Jamais je n’aurais progressé autant en étant resté salarié. Oui, j’aurais peut-être changé de boite, exercé des responsabilités plus larges… mais fondamentalement, mon job serait resté le même.

Puis, les ventes se sont emballées. J’ai couru quelques années derrière le seuil des 1000 euros de vente par jour, et quand j’ai pulvérisé ce plafond…

… je vais vous décevoir… Mais cela ne m’a rien fait.

Je n’ai rien appris de neuf sur l’argent que je ne savais déjà : je n’ai jamais été un mec qui s’affiche, ni qui est dans la surconsommation. J’avais toujours rêvé de me payer une chaine hifi de haute qualité, la musique est mon dada et cela coute cher… Je me la suis offerte.

Bon.

Mais ce que j’aime, c’est de bosser, mon chien ronflant à mes pieds. Ce que j’aime, c’est d’avoir embauché mon épouse. Ce que j’aime, c’est qu’on a tout le temps pour ma fille, mon fils, ses rendez-vous.

Je n’ai acheté aucune montre de luxe. Je conduis une voiture simple, de toute façon, avec mes chiens (j’ai adopté un petit teigneux dans un refuge, en plus de mon gros bullmastiff), le sable, les randos, j’ai besoin d’une caisse basique. Je porte un jean, un sweat ou un pull. Je n’ai pas succombé à l’exil pour cacher ma TVA. Certes, j’habite un vieux et beau mas dans le sud de la France. Palmiers, citronniers, piscine, grand jardin. C’est moins cher qu’un bel appart à Lyon (et Paris, je ne vous en parle même pas). Mais il est possible que je retourne habiter dans une maison plus modeste. Il y a toujours un truc à faire dans les grandes bâtisses, et ce n’est pas pour moi.

Neuf ans ont passé depuis l’enfer de l’été 2013. Je ne pense plus à mon ancien directeur. Je n’irai pas jusqu’à le remercier, mais il m’indiffère. Si… je le plains un peu. Il doit faire avec le siège social. Ses collaborateurs. Ses 5 semaines de congés payés et sa paye de salarié. Son stress et son cholestérol. C’est lui qui a une vie risquée, pas moi. Ceux qui passent à côté de l’infoprenariat ne se rendent pas compte de ce qu’ils loupent.

Du bon est ressorti de cette épreuve. Si je n’avais pas été viré, je serais peut-être encore en train d’écouter ses blagues vaseuses lors d’une réunion inutile et interminable. Je serais encore en train de caler mes RTT pour faire le pont. Ou je serais dans une autre entreprise, à jouer au parfait cadre dynamique.

Tout ça, c’est fini.

Démarrez et vous verrez: vous aurez l’impression de piloter un Concorde par-dessus les océans, quand les gens sont parqués dans des bus.

A nos erreurs, à nos regrets. Ils sont utiles, car on peut désormais les éviter.

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